Actuality159

Charline Caro : un vent de fraîcheur dans une industrie menacée
DIVERSITY, EQUITY AND INCLUSION
Cassandre Gratton
Par

Cassandre Gratton

JCCM

Gestionnaire de projet bénévole du comité marketing et création de contenu

C’est par un lundi après-midi gris et pluvieux que j’ai rencontré Charline dans les bureaux colorés de la Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM). Dès son arrivée, on a pu sentir à la fois la sérénité et la force de son caractère. Alors qu’on s’installe pour discuter, elle mentionne qu’en tant que journaliste indépendante, ça lui fait drôle de se prêter au jeu de l’autre côté de l’enregistreur, mais si elle est nerveuse, elle n’en laisse rien paraître.

Arrivée à Montréal de la France depuis cinq ans, et fraîchement diplômée d’une maîtrise en science politique à l’Université de Montréal, elle affirme avoir toujours su qu’elle voulait devenir journaliste. Un métier choisi, dit-elle, par vocation.

Celle qui, dès son plus jeune âge, s’est intéressée au monde autour d’elle, y voit une façon à la fois de le comprendre et de lui donner la parole. Charline a d’ailleurs développé un intérêt particulier à écouter les voix marginalisées ainsi qu’à exposer les sujets qui passent souvent sous le radar des médias.

Dans le contexte actuel, avec la montée de la polarisation, de l’intolérance et de la haine, elle perçoit cette mission du journalisme comme d’autant plus essentielle.

Pour elle, ce rôle, « c’est de faire comprendre au public ce qu’il se passe. C’est de leur donner les clés pour comprendre, pour saisir. C’est sûr que lorsqu’on ne comprend pas ce qui se passe, on peut tomber rapidement dans la haine, dans l’ignorance. Le fait que les gens soient informés, qu’ils comprennent ce qui se passe, qu’ils saisissent les enjeux, qu’ils arrivent à se mettre aussi dans la peau de l’autre, c’est quelque chose qui peut changer le monde. » Une notion qui dépasse la simple éducation et contribue à la création d’une véritable empathie, selon Charline.

« C’est sûr que sans les médias, on ne peut pas comprendre ce que vit une personne dans la rue, une personne qui n’a pas la même ethnie, la même culture que nous. Donc c’est faire le pont entre les individus. »

Cela dit, elle ne se fait pas non plus d’illusions, et pose un regard réaliste sur l’avenir de cette industrie qui lui est chère : « On se lance dans ces études tout en sachant qu’il n’y aura pas forcément d’emploi à la suite, que c’est peut-être un métier qui va disparaître ou du moins qui est menacé de disparition. »

L'importance de s'adapter

Elle reconnaît les nombreux obstacles qui freinent actuellement l’industrie journalistique canadienne. Que ce soit le blocage continu des nouvelles sur Meta, la désinformation, la chute de l’attention du public, les enjeux d’indépendance, le manque de financement… les défis ne manquent pas !

Malgré les nombreux défis qui guettent son industrie, elle ne cède pas au pessimisme. Au contraire, elle y voit plutôt une source de motivation : « C’est excitant de se dire qu’on est toujours là malgré les menaces, et qu’on peut faire partie de celles et ceux qui renouvellent ce métier indispensable. »

Pour elle, les solutions existent, autant pour les grands conglomérats que pour les médias de proximité.

D’abord, l’indépendance des médias lui apparaît comme cruciale. Que ce soit en termes de modèles d’affaires ou en se dotant de politiques internes robustes, les médias doivent garantir une information à l’abri des intérêts économiques susceptibles d’influencer leur ligne éditoriale.

Elle souligne aussi l’importance pour les médias de s’adapter aux nouvelles réalités d’aujourd’hui.

Si elle estime qu’il y a eu une prise de conscience faite au cours des dernières années sur l’importance de redonner une voix aux communautés marginalisées et sous-représentées, elle ajoute que ce ne sont pas tous les médias qui se remettent en question au même niveau, et qu’il reste du chemin à faire.

Par ailleurs, cette prise de conscience n’est pas suffisante en soi, et doit s’accompagner d’actions concrètes qui permettent d’assurer une couverture plus transparente.

« [En effet…] on remet beaucoup en cause la neutralité journalistique parce qu’on se rend compte qu’un humain ne peut pas être neutre ». Selon elle, la clé réside plutôt dans l’honnêteté et la transparence : « […] on peut quand même fournir une information de qualité rigoureuse et honnête en assumant ces biais-là, mais en les communiquant. »

Ce n’est pas la seule tradition à repenser. Selon elle, le journalisme ne devrait pas « avoir peur de sortir de son côté académique » ni des « grands articles avec des mots qui ne parlent pas à tout le monde ». La vidéo, les formats courts, les contenus plus divertissants font partie des nouvelles habitudes de consommation, et il faut s’y adapter.

À celles ou ceux qui y voient un risque d’une dégradation de la qualité, elle réplique : « Le journalisme a toujours évolué, et tant qu’on respecte les principes déontologiques dans ce qu’on fait, ça reste de l’information. »

On sent chez elle une ouverture rafraîchissante aux nouvelles formes de journalisme. Et même si l’arrivée de certains outils liés à l’IA soulève des questions éthiques importantes, selon elle, il ne sert à rien de s’opposer en bloc à cette technologie qui fait maintenant partie de notre quotidien. À la place, il faut le faire de manière réfléchie et pour les bonnes raisons. Par exemple, si des médias adoptent ces outils, « il faut que ce soit dans un but d’élargir l’information plutôt que de remplacer des journalistes », précise-t-elle.

La place de la jeunesse

On peut se douter que son regard sur ces enjeux est teinté par sa position de jeune journaliste. Celle qui vient de débuter dans le métier confirme d’ailleurs l’importance pour l’industrie de faire de la place à la relève journalistique.

Après tout, pour elle, ce sont ces jeunes leaders de l’industrie qui peuvent « arriver avec leur motivation et leur curiosité. C’est toujours le cas des jeunes dans n’importe quel secteur, mais c’est certain qu’il faut de la jeunesse pour apporter cette petite touche de curiosité, d’insouciance. »

La présence et participation de la relève permet non seulement de rafraîchir les pratiques, mais aussi d’améliorer la qualité même de l’information.

« [… Après tout ] on a des connaissances en tant que jeunes que les plus âgé.e.s n’ont pas. Apporter cette connaissance du numérique, cette connaissance des enjeux qui nous touchent, [...] il faut tous les profils pour faire de bons médias. »

En d’autres mots, la capacité du journalisme à s’adapter dépendra largement de sa volonté d’intégrer pleinement la relève, de renouveler les effectifs et de permettre aux jeunes de prendre leur place dans les salles de presse.

Bien sûr, ce n’est pas simple, surtout compte tenu des défis actuels. Mais chez Charline, l’espoir persiste.

À la question : « Que souhaitez-vous pour l’industrie du journalisme dans les prochaines années ? », elle répond sans hésiter : « Prospérité, confiance du public, une transformation et modernisation des pratiques, encore plus que celle qu’on voit aujourd’hui […], et toujours plus de médias. Plus il y en a, mieux c’est ; locaux, nationaux et internationaux ! »

Son souhait se réalisera-t-il ? Seul le temps nous le dira, mais avec son regard allumé et ses idées qui débordent, elle nous donne certainement envie d’y croire.

Our

major

partners

Research

No results found for the term 1 result for the term results for the term