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Risques climatiques : il est temps de s’y mettre
RÉSILIENCE CLIMATIQUE
Mickael Brard
Par

Mickael Brard

Consultant en changements climatiques et en mobilité durable

Adaptation ou atténuation: quelle différence?

Aborder la question des changements climatiques dans les entreprises peut paraître une tâche colossale ou encore un sujet inadapté au contexte. Pourtant, les entreprises seront, ou sont déjà pour la plupart, directement concernées et menacées par des risques liés aux changements climatiques. Utiliser l’angle de ces risques permet alors de toucher la curiosité, de générer l’intérêt et de faire comprendre la différence entre les efforts d’atténuation et d’adaptation.

L’adaptation au changement climatique consiste globalement à viser la réduction de la vulnérabilité et de l’exposition des systèmes humains aux effets des changements climatiques. En d’autres termes, l’adaptation consiste à faire en sorte que les conséquences directes et indirectes des changements climatiques fassent moins de dégâts.

Ce concept s’oppose à l’atténuation, qui elle consiste à faire en sorte que ces conséquences soient moins fréquentes et moins puissantes en réduisant le problème à la source, soit en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

L'adaptation soigne les symptômes, et l'atténuation, la maladie. Elles sont les deux faces de la même pièce qui ressemble de plus en plus à une course contre la montre. Chaque tonne de gaz à effet de serre que l’on évite d’émettre nous fait gagner du temps pour nous préparer aux conséquences de toutes les tonnes déjà émises ou de celles que l’on ne réussira pas à éviter d’émettre. Les deux vont d’ailleurs de pair.

En effet, miser uniquement sur l’adaptation est une stratégie perdue d’avance au regard du niveau des répercussions anticipées par les pires scénarios d’émissions. À l’inverse, miser uniquement sur l’atténuation semble trop tard au regard des conséquences déjà perceptibles et des trajectoires actuelles. L’adaptation est donc aussi indispensable et nécessite une démarche dédiée qui forcera les entreprises à plonger au cœur du sujet.

Pour travailler sur son adaptation, une entreprise devra d’abord identifier et analyser les risques climatiques auxquels elle est exposée et en comprendre les éventuelles conséquences pour ensuite planifier et mettre en œuvre sa stratégie. La première tâche, l’identification et l’analyse des risques, est un travail qui se mène de manière à la fois prospective et introspective.

De manière introspective

Introspective car ce travail implique que l’organisation définisse ce qui compte vraiment et qui est le plus critique pour elle : qu’est ce qu’elle souhaite absolument préserver ? Sur quoi cela repose-t-il ? Et ainsi de suite jusqu’à remonter la chaîne de valeur.

S’il s’agit de son produit phare, duquel dépend son résultat, il faudra par exemple comprendre ce que requiert sa fabrication en matière de flux entrants : pièces, matières premières, énergie, gestion des déchets ; en matière d’actifs : machines, outils, infrastructures ; et de compétences : les humains. L’entreprise devra donc se réintéresser à la matérialité de ses opérations ainsi qu’à tout ce qui a été rendu invisible par les chaînes de sous-traitance. Car en effet, si son produit phare a besoin d’une pièce fournie par un seul sous-traitant, ce sous-traitant doit faire partie intégrante de la démarche d’adaptation, surtout si son remplacement n’est pas une option.

De manière prospective

Prospective car l'entreprise doit anticiper les risques climatiques auxquels elle est exposée, y compris via ses chaînes d'approvisionnement. Ces risques incluent des événements extrêmes tels que sécheresses, inondations, canicules, ainsi que des facteurs de stress comme la raréfaction de l'eau. Elle doit évaluer sa vulnérabilité et sa capacité à résister à ces événements. Nos économies occidentales sont fortement tributaires de flux matériels traversant de multiples étapes, chacune exposée à des risques locaux potentiellement importés avec les biens ou services. Par exemple, les inondations aux îles de la Madeleine peuvent affecter le déneigement des villes en perturbant l'approvisionnement en sel de déglaçage. Le manque d'eau en Californie ou au Mexique influe sur la disponibilité et les prix des fruits et légumes que nous importons.

Comprendre le fonctionnement des risques climatiques est essentiel pour évaluer les menaces auxquelles une entreprise sera confrontée. Cela implique de se pencher sur les changements climatiques et leurs impacts globaux.

Élaborer son plan d’adaptation

À ce stade du travail, l’entreprise aura identifié les points critiques, leur exposition et leur vulnérabilité. Elle pourra commencer à définir des actions à mettre en œuvre pour y pallier à plus ou moins long terme. Il lui reste néanmoins à tester ses intentions avec des scénarios d’impacts, ou histoires plausibles d'enchaînements malheureux, ce qui permettra de valider la cohérence du plan d’adaptation. Ces scénarios devront par exemple combiner des aléas et événements, dépasser des seuils, déclencher des effets domino ou encore avoir une portée systémique.

On pourra penser par exemple à ce que la Colombie Britannique a vécu avec la combinaison d’une canicule historique et du pic de la pandémie, à des équipements ou infrastructures qui lâcheront d’un coup, à l’effet domino d’une sécheresse qui entraînerait des incendies puis des inondations dues au ruissellement lors du prochain orage, ou encore à une nouvelle crise du verglas qui couperait par exemple Internet pendant plusieurs jours. L’utilisation de scénarios d’impacts vise en fait à éviter le piège de la vision en “silo” et aussi à éviter des mauvais choix d’adaptation.

Sans oublier les risques de transition

Le dernier rapport du GIEC souligne que les scénarios à fortes émissions ne permettront pas une adaptation mondiale. Ainsi, réduire les émissions, en particulier celles liées aux modes de vie émetteurs, est impératif. La transition vers une économie à faible émission de carbone entraînera des changements et des risques pour les entreprises, notamment des modifications réglementaires, fiscales, des fluctuations du prix du carbone et de la concurrence internationale. Les risques de transition proviendront également des changements de comportement de la société civile, qui pourrait choisir d'émettre moins et de consommer de manière plus responsable.

L'alignement de la société sur les objectifs de réduction aura un impact profond sur l'économie. Certains secteurs pourraient disparaître sans anticipation de leur transformation vers une économie à faible émission de GES. Une entreprise s'opposant aux changements nécessaires à la réduction des émissions deviendra un obstacle à l'atténuation et risque de se retrouver en opposition avec les tendances de réduction des émissions. Il est essentiel d'anticiper et de se préparer aux risques climatiques et de transition pour devenir compatible avec les trajectoires d'atténuation audacieuses.

La bonne nouvelle est que se préparer aux risques climatiques et de transition peut également réduire l'empreinte carbone et environnementale, contribuant ainsi à réduire les aléas, l'exposition et la vulnérabilité. La première étape consiste à s'informer et à comprendre les changements climatiques pour éviter l'éco-blanchiment involontaire et les mauvaises adaptations aux risques. Aborder le climat par le prisme des risques concrets est un moyen efficace de sensibiliser les dirigeants à la nécessité de l'action, en soulignant que l'inaction n'est plus viable.

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